samedi 10 juillet 2010

En passant par Cordoba

Cordoba, août 2006.
Il fait une chaleur intense. Le temps est sec, mais il doit faire autour de 46 degrés. Suze et moi arrivons à nous rendre à notre auberge, malgré une carte sommaire de la ville où n'apparaissent pas la plupart des petites rues de la Juderia. Ce qui avait commencé comme une petite marche de la station de bus vers le centre-ville se transforme, avec les backpacks sur le dos, en randonnée, en aventure... en quête, même, puisque je me souviens qu'à un moment, j'ai presque perdu espoir de trouver l'auberge où nous avions réservé, quelque part dans le labyrinthe des rues, par cette chaleur.
À part l'incroyable Mezquita, la cathédrale de Cordoba, ce que je me souviens de la ville, c'est cette chaleur. Je me souviens surtout du petit trajet, après avoir récupéré dans le refuge climatisé de notre auberge, entre celle-ci et La Mezquita. Trajet d'une quinzaine de minutes, tout au plus, qui s'est transformé en recherche de l'ombre, en zigzag pour éviter d'être brûlé par le soleil. Le nom "Cordoba" évoque en moi l'idée de pouvoir faire cuire un oeuf sur mon bras.
Cordoba, quatre ans plus tard.
J'arrive à Cordoba par le train en provenance de Sevilla. Le transport ferroviaire s'est considérablement développé depuis mon passage en 2006; plus de trains, et plus efficaces. On a même construit uen ligne de TGV entre certaines villes du sud et Madrid. La gare de Cordoba est située juste en face de la station d'autobus. Je sors et tente de m'orienter. Il fait une chaleur intense, difficile de marcher d'un bon pas. Je crois reconnaître le parc que je traverse en zigzag, allant de l'ombre d'un arbre à un autre... mais je ne suis pas certain. J'arrive Paseo de la Victoria, une sorte de structure romaine me dit vaguement quelque chose. Suis-je réellement déjà venu ici?
Je déniche l'endroit où le bus que je dois prendre doit passer. je me réfugie sous un arbre, déjà trempé après dix minutes à Cordoba.
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Cordoba, quelques heures plus tard.
Après mon excursion, le chauffeur du bus revient vers la ville. D'après ce que je comprend de l'organisation de la ville, il s'arrête à un endroit qui doit être plus près du centre-ville que l'arrêt où j'ai pris le bus. Je lui demande de confirmer cette impression: il me contredit; l'arrêt le plus près du centro est le suivant. J'attends donc et débarque au dernier arrêt du bus, là où j'ai monté quelques heures plus tôt. Je ne comprends pas. Les gens qui ont voyagé avec moi vous le diront: j'ai un bon sens de l'orientation. Savoir me diriger dans une ville inconnu me semble relativement facile, une fois passé les premières minutes à dénicher quelques repères. Si j'ai une carte la moindrement détaillée, c'est comme si j'étais chez moi après moins d'une heure en ville. En descendant du bus, je suis perplexe. J'ai la nette impression que la Mezquita - et le centre historique - se trouvent derrière moi, d'où nous venons d'arrêter en bus, et non devant moi, comme le dit le chauffeur. Plutôt que de lui faire aveuglément confiance, je m'obstine et analyse la carte sommaire de la ville dont je dispose. Je jette un oeil à la ruine romaine qui évoque en moi quelque chose suite à mon passage en 2006. Je jette un oeil au soleil. Je n'ai pas de montre, alors je sors mon appareil photo, capte un cliché de mes pieds sur le trottoir et consulte l'écran pour voir à quelle heure je viens de prendre cette photo. Je regarde à nouveau la carte et le soleil, et ma foi, ce chauffeur est simplement incompétent, je pars dans la direction opposée à celle qu'il m'a indiqué.
Dans les petites rues de la Juderia, j'ai déjà la confirmation que j'avais raison. J'imagine que comme tout bon conducteur de véhicule, le type s'oriente en fonction des rues et avenues qu'il peut emprunter. Moi, je suis un piéton et je ne préoccupe pas des sens uniques ou interdiction de passer... C'est la seule explication.
Je passe un joli azulejos indiquant un salon de thé, puis me rend vers le puente romano, un vieux pont qui date de l'époque romaine, et que l'on a restauré.
J'avais pensé traverser le pont, maintenant piétonnier, mais des travaux sont en cours, et les barrières protégeant des fouilles archéologiques près du puente rendent le coin peu intéressant pour une visite. Je rebrousse chemin, m'arrête un instant pour me protéger du soleil incroyablement fort qui plombe sur la ville avec une intensité qui me dépasse. Je ne suis pourtant qu'à une heure de Sevilla. Je remarque une jolie maison décorée de fenêtres maures et la prend en photo. Puis, je longe la calle Torrijos, et tente de prendre La Mezquita en photo. Impossible.
L'édifice est si incroyablement imposant qu'il n'y a aucun point de vue duquel on peut en avoir un aperçu global. À cette pensée, je me revois soudain, quatre ans plus tôt, avec le même problème. La mémoire me revient... il semble que j'ai d'autres souvenirs que l'intérieur de La Mezquita et la chaleur des rues à Cordoba. Je tente de me souvenir d'autres chose - je n'y avais passé qu'une journée en 2006 - mais rien ne vient sur le coup.
Je prends quelques photos des portes de La Mezquita - à cette heure, l'éclairage est parfait. La porte de St-Michel et la porte de St-Étienne me font sourire puisqu'il s'agit d'arches islamiques malgré leur nom chrétien. Je passe devant le kiosque d'information touristique. Je n'y entre pas mais je souris en reconnaissant l'endroit.
Je tourne sur Cardenal Herrero, et me dirige vers l'entrée de La Mezquita. J'ai déjà visité la cathédrale de Cordoba en 2006, mais cette visite est tellement mémorable que je ne peux résister à y entrer de nouveau.
Je devrais plutôt aller visiter l'Alcazar, non loin, puisqu'en 2006, il était fermé et nous avions pu seulement en visiter les jardins, en soirée. Mais je voyage en indépendant, ne suis lié par aucun contrat, ni guide, ni groupe. Et ce que je veux, à ce moment-ci, c'est revoir la forêt de colonnes musulmanes de la cathédrale.
J'achète un billet et je passe quelques minutes dans la cour des orangers, mais de cette chaleur, l'intérieur devient une urgence plus qu'un désir, je dois me réfugier à l'ombre, au frais.
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Cordoba, deux heures plus tard.
Je sors de La Mezquita par la porte des doyens et m'empresse de me perdre dans un dédale de rues, sans me diriger vers un endroit en particulier, mais me laissant guider par l'ombre que l'on trouve ici et là. J'abouti dans un cul-de-sac; une palissade de pierre se dresse devant moi. Je rebrousse chemin, bifurque vers le nord dans une rue exposée au soleil, qui se donne un malin plaisir à me cuire pendant les trois minutes que je mets à me rendre au prochain coin d'ombre. Je regarde ma carte pour faire le point et remarque alors que la palissade fait partie des vestiges des anciennes fortifications romaines de Cordoba.
Je continue au nord, puis trouve une porte dans les fortifications. Je me réfugie à l'ombre des arbres du petit parc de l'autre côté, prends quelques photos, entre quelques gorgées d'une eau maintenant plus chaude que tiède, malgré le fait que j'ai rempli ma bouteille à La Mezquita moins de quinze minutes plus tôt.
Je marche lentement vers le nord, pour rejoindre la gare. À un moment, je dois parcourir un tronçon d'environ deux cents mètres sans protection.
Seul au monde sous le soleil. Je me concentre pour ne pas marcher inutilement vite, en me disant que la gare sera climatisée à mon arrivée. L'affaire prend des allures de randonnée, j'ai l'impression que le chemin s'allonge au lieu de raccourcir. Évidemment, la fatigue de la journée et mon excursion en montagne, sus la chaleur du début d'après-midi n'aident pas. La gare ne semble pas se rapprocher malgré l'énergie que je dépense.
Je dois patienter à un croisement, et il la priorité pour piétons semble mettre une heure à arriver enfin.
J'atteint la gare, fonce à l'intérieur, soulagé.
J'ai survécu à Cordoba, le four de l'Andalousie. Pour la deuxième fois de ma vie.
La première fois, j'y était resté un peu moins de 24 heures. Cette fois-ci, après huit heures, j'étais content de m'installer dans le wagon climatisé de la Renfe en direction de Sevilla, où, avec 42 degrés d'annoncés, il ferait au moins une température où je pourrais survivre.
Et, cette année comme en 2006, il ne me restera essentiellement que deux souvenirs de Cordoba; son incroyable Mezquita, et sa chaleur infernale.
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Journal de voyage. Jour 27.

1 commentaire:

  1. Certainement que la chaleur aurait dérangé J.E. On l'aurait perdu en cours de route

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